Le paradoxe des flashcards
Le paradoxe des flashcards, c’est quand tu passes ton temps à faire, mémoriser et réviser tes flashcards.
Et en japonais, on utilise beaucoup les flashcards avec ou sans les applications de mémorisation basées sur le système de la répétition espacée (SRS en anglais) comme Anki.
Moi, j’ai rencontré 2 fois ce problème dans mon apprentissage du japonais.
La première fois, c’était pour apprendre à lire et écrire des kanji.
C’était intéressant mais au bout d’un certain temps, mon créneau réservé au japonais était uniquement rempli par la révision des kanji.
Petit à petit, c’est devenu pénible et surtout, j’ai compris que ce n’était pas en apprenant des kanji qu’on arrivait à parler japonais.
La deuxième fois, c’était pour mémoriser des phrases en contexte.
Je regardais du contenu sous-titré en japonais et je convertissais en flashcards les phrases qui contenaient des mots japonais que je ne connaissais pas.
Là, ça me permettait vraiment d’apprendre à lire et à parler et c’était super intéressant !
Mais très vite, je n’avais plus le temps de regarder du nouveau contenu.
Je ne faisais que mémoriser et réviser les flashcards en permanence.
Bref, quelque chose n’allait pas !
Les flashcards et la répétition espacée se retournaient contre moi et m’empêchaient de progresser.
Apprendre avec des flashcards: une bonne solution ?
Personnellement, je dirais oui jusqu’à un certain niveau mais non au-delà.
Quand on débute, je pense que c’est une très bonne solution si on travaille avec des flashcards bien faites (sinon, on perd son temps !).
Mais vers la fin du niveau faux-débutant, il faut commencer à peser le pour et le contre et être pragmatique.
Il arrive un moment où la quantité de choses à mémoriser et à revoir devient trop importante.
Et dans la vraie vie, même quand on est très motivé, on n’a qu’un créneau limité à allouer au japonais.
Passer tout ce temps-là à réviser à chaque fois, ça ne mène pas très loin.
Pire, ce n’est pas motivant et la motivation, c’est primordiale dans l’apprentissage du japonais !
Idéalement, pour ne pas tomber dans le paradoxe des flashcards, il faudrait réagir dès que les révisions prennent plus d’un quart du temps dédié au japonais.
Tant que ça ne prend pas plus que ça, ça reste intéressant de continuer.
Mais dès que ça dépasse 25% du temps, c’est le signe que la méthode ne convient plus.
Mais qu’est-ce qu’on fait à la place ?
Pour le savoir, il faut se rappeler de ce qui permet d’acquérir le langage.
Retour aux fondamentaux
L’acquisition naturelle du langage se fait par une exposition suffisante et compréhensible à la langue cible.
Autrement dit en écoutant ou en lisant du japonais facile à comprendre.
À chaque fois qu’on comprend quelque chose à ce qui se passe, le cerveau décrypte un peu plus la grammaire du japonais.
Pour progresser, il suffit juste d’être exposé à du japonais au dessus de son propre niveau.
Pourquoi au dessus de son propre niveau et pas juste à son niveau ?
Imagine que je sois débutant complet et que j’apprenne le japonais avec un bébé japonais de 3 ans.
À 3 ans, le bébé a un vocabulaire encore limité et ne fait que des phrases de 2 à 3 mots.
En quelques mois, j’aurais atteint le même niveau de japonais que lui.
Et après ?
Je ne progresserais plus parce que je n’aurais rien de nouveau à apprendre !
Et c’est ce qui risque de se passer si tu passes tout ton temps à réviser et à mémoriser ce que tu connais déjà ou devrais connaître.
Il faut donc continuer à s’exposer régulièrement à la langue et surtout que cette exposition soit la plus variée possible.
Comme ça, on sort en permanence de sa zone de confort et on est sûr de progresser !
Mais là où c’est vraiment puissant, c’est que ça résout dans le même temps un autre problème !
Les effets bénéfiques d’une bonne exposition à la langue cible
On l’oublie trop souvent mais personne n’a appris sa langue maternelle avec des flashcards !
Par contre, la répétition espacée, on l’a connait naturellement et ça s’appelle juste l’exposition normale à la langue.
Concrètement, autour de toi, tu as entendu les mêmes mots, les mêmes phrases suffisamment souvent et dans des situations que tu as comprises.
le paradoxe des flashcards, tu ne l’as jamais connu dans ta langue maternelle !
La seule chose qui t’a fait progresser, c’est l’exposition à la langue régulièrement et fréquemment.
Et tu sais quoi ? Ça marche aussi pour le japonais !
Contrairement à ce qu’on pense, parler ne permet pas d’acquérir le langage, écouter si !
Écrire ne permet pas non plus d’acquérir le langage, mais lire si !
Et le meilleur moyen de combiner l’écoute et la lecture, j’en parle dans l’article Le pouvoir caché des sous-titres en japonais.
Le paradoxe des flashcards, un vieux souvenir ?
C’est ce que je pense actuellement !
Je n’utilise plus de flashcards ni d’applications de mémorisation.
Par contre, je multiplies les types de contenus en japonais.
News, dorama, reportage, variétés, contenus éducatifs, etc..
J’essaie de bien suivre les sous-titres en rythme.
Et en m’habituant à bien suivre le rythme, je progresse même au karaoké !
Par contre, ça ne m’empêche pas de chanter faux !
Mais ça, c’est une autre histoire…
Voilà, je n’ai plus qu’une chose à te souhaiter:
Que l’acquisition naturelle du langage soit avec toi !
Gilles ジル
J’avoue que les outils de mémorisation peuvent être efficaces, mais ne doivent pas consommer tout le temps que l’on a pour apprendre une langue. Tout comme toi, je suis aussi très partisante de s’exposer à la langue en vrai.
Mais je dois admettre que le japonais a été pour moi d’une difficulté bien supérieure à ce que j’avais rencontré avant.
Autant en russe, espagnol ou portugais j’ai apprécié d’avoir des manuels tout en une langue, et j’ai rapidement pu basculer sur du contenu réel; autant en japonais j’ai dû faire face à une difficulté que j’avais sous-estimée.
Tu parles de la lecture comme ayant une part importante dans l’apprentissage, même si il est vrai que, en tant qu’enfant on apprend sans savoir lire.
C’est sûrement une question de préférence, et pour moi aussi la lecture compte beaucoup. J’ai besoin de visualiser les mots.
Mais en japonais, avant de pouvoir lire ce qui nous entoure, que ce soit des pubs, des devantures de boutiques ou des prospectus, il faut une connaissance des kanjis déjà bien avancée. Avec mes kanas je me sentais tout aussi déboussolée que si je ne savais rien, ou presque.
J’ai lu l’article auquel tu fais référence ici, avec le pouvoir des sous-titres. Je fais ça, mais si je suis capable de reconnaitre les passages en kana, les kanjis me laissent toujours perplexe.
Comment opères-tu la transition vers les kanji à travers les sous-titres, ou les karaoke?
Que penses tu de l’usage du romaji quand on a besoin de visualiser les mots?
Je ne suis plus au Japon et ma motivation à apprendre le japonais s’en ressent, mais je suis curieuse de connaitre ton expérience.
Salut Séverine !
Merci pour ton commentaire !
Ma stratégie quand ça devient compliqué, c’est de revenir aux fondamentaux !
Et pour moi, les fondamentaux, c’est d’observer comment les bébés acquièrent le langage.
D’après Stephen Krashen, les 2 façons d’acquérir une seconde langue sont l’écoute et la lecture.
Pour les bébés, ils n’ont pas de première langue et ne peuvent donc pas compter dessus pour comparer ou s’en servir pour comprendre une autre langue.
Et bien sûr, ils ne savent pas lire à la naissance.
Ils acquièrent donc leur langue maternelle uniquement en l’écoutant.
Tant qu’ils ne sauront pas lire, ils n’auront pas d’autres façons d’acquérir la langue qu’en l’écoutant.
C’est un peu le cas pour toi et moi qui apprenons le japonais !
Tant qu’on ne connait pas les kana et ensuite les kanji, on ne peut pas compter sur la lecture comme source d’exposition à la langue.
Malgré tout, on peut quand même arriver oralement à un très bon niveau en s’exposant correctement, régulièrement et suffisamment à la langue.
Et la tentation est d’en rester là !
Parce que quand on voit l’effort à fournir pour acquérir suffisamment de kanji pour pouvoir lire un roman de base en japonais, ça ne donne pas très envie de s’y mettre…
Et c’est pour ça que pendant des années je me suis satisfait de cette situation.
Après tout, quand j’allais au Japon, je pouvais discuter avec ma belle-famille ou mes ex-propriétaires et en cas de problème, je pouvais expliquer ma situation.
Mais j’adore les livres et quelque part, j’étais frustré de ne pas avoir accès aux journaux et aux livres d’une manière générale.
C’est ce sentiment qui est à l’origine de mon mini-challenge de 3 mois du début de cette année qui s’est transformé finalement en routine matinale.
Tous les matins, pendant en moyenne 20-30mn, je lis un article provenant d’un journal japonais.
Suivant le contenu, je peux le finir en 2-3 jours ou y passer plus d’une semaine.
Ça n’a pas vraiment d’importance maintenant que c’est une routine.
Chaque jours se construit sur les précédents et je pars de moins en moins loin pour aborder chaque nouvel article.
Actuellement, j’en suis au 27ème article et à chaque nouvel article, je reconnais des mots, des structures de phrases, des expressions que j’ai déjà vu auparavant.
Est-ce que pour autant je sais écrire ces kanji ?
Pour la plupart, non !
Ce n’est pas parce qu’on sait lire des kanji qu’on sait les écrire et quand je lis, je ne veux pas perturber le « flow » !
Ceci étant dit, il y a quelques mois de ça, j’ai fait de gros progrès en « visualisant » les kanji que je souhaite apprendre.
Je mets des guillemets parce que je ne cherche pas vraiment à associer un kanji à une image en tant que telle mais plutôt à retenir une position d’un radical dans un kanji donné.
La mémorisation par association et « story telling » est très efficace et souvent utilisée pour mémoriser les kanji.
Seulement voilà, il y a plus de 2000 kanji à connaître et trouver une histoire pour chaque kanji, ça prend trop de temps pour moi.
En plus, connaître ces 2000 kanji individuellement ne garantit pas qu’on comprendra un mot combinant 2 kanji ou plus.
Moi, ce que je veux, c’est donc plutôt pouvoir écrire un mot (de 2 kanji ou plus) en me rappelant son sens et sa lecture.
Pour ça, avant de faire appel à la mémorisation par association, je fais d’abord appel à la technique du « Memory Palace » que tu connais surement.
En « mappant » un kanji sur une grille de 3 cases par 3 cases, on s’aperçoit qu’un radical (= sous-partie indivisible d’un kanji) peut se trouver à 7 positions différentes.
À gauche, à droite, en haut, en bas, encercler, en haut à gauche et en bas à gauche.
À force de voir des kanji, on finit par identifier tous ces radicaux (il y a 214 radicaux historique en usage courant) et il ne reste plus qu’à noter la position des radicaux dans un kanji.
Par exemple: Le kanji 怒 est composée de 3 radicaux qui proviennent des kanji 女 + 又 + 心.
Le kanji de la femme 女 est en haut à gauche.
Le kanji 又 qui veut dire « encore » est en haut à droite.
Le kanji du cœur 心 se trouve en bas.
Je dessine ce kanji en respectant l’ordre des traits en nommant à voix haute la partie que je dessine (en japonais si je la connais, sinon en français) et sa position (ex: « onna » en haut à gauche).
Si le mot a plusieurs kanji (un grand nombre de mots japonais ont 2 kanji), je procède de même pour les kanji restants.
Enfin, je finis par la lecture à voix haute du mot dans le contexte de la phrase dans laquelle je l’ai trouvé pour faire un ancrage de mémorisation.
C’est pour cette dernière étape que je fais appel à la mémorisation par association.
Ça prend plus de temps à expliquer que ça n’en prend à le faire dans la réalité même si au début on ne connait pas encore les radicaux de base.
Honnêtement, pour le moment, je me focalise sur la lecture et la compréhension.
Une fois que tu sais lire un mot et que tu le comprends, l’effort pour savoir l’écrire est minime, surtout avec la méthode ci-dessus (mappage sur la grille, identification des sous-parties…).
Par rapport à l’utilisation du romaji, franchement, je ne le conseille pas !
J’ai fait un article là-dessus Comment passer du rōmaji aux kana ? qui explique pourquoi.
Un petit mot sur la motivation pour terminer.
On le sait bien, l’être humain ne fait rien durablement sans motivation.
Sans salaire, qui continuerait à travailler ?
Là-dessus, on ne peut pas faire grand-chose or can we ?
En fait, la motivation est effectivement une émotion et le cerveau la maintient plus ou moins forte en fonction du résultat susceptible d’être obtenu.
Tu l’as dit, tu n’es plus au Japon et donc le cerveau ne voit pas bien quel résultat intéressant tu obtiendras en t’y remettant.
Pour lui, c’est une dépense d’énergie inutile et son rôle est de préserver ton énergie, à moins que ça n’en vaille le coup !
Il faut donc éviter que le cerveau ne voit les choses comme ça.
Et c’est quelque chose de tout à fait possible !
Il suffit de transformer le japonais en une routine matinale !
Se laver les dents, prendre sa douche, s’habiller sont des tâches routinières qui ne dépendent pas de l’humeur du moment.
Elles sont régulières, connues, rituelles, bref, tout ce que le cerveau adore !
Si maintenant tu décides qu’entre la tâche de se lever et de prendre son petit déjeuner il y aura la tâche du japonais, une fois le cerveau rodé, ça ne lui posera plus de problème.
Pour ça, il faut vraiment que ce soit intégré dans ta routine journalière où le cerveau sait ce qu’il y a avant et après.
Tu as aussi la technique du Pomodoro pour t’aider à en faire une routine !
Généralement, c’est 25mn (c’est la durée qu’on estime supportable pour la majorité des personnes) et le but est de se focaliser sur le fait de faire du japonais plutôt que sur un résultat à obtenir.
Dans mon cas, peu importe que je termine ou pas un article chaque jour.
Je fais 25mn de japonais, c’est tout !
Et pour tout te dire, le fait de devoir interrompre ce qu’on fait permet au cerveau de « sauvegarder le contexte » de ce que tu faisais et la reprise là où tu en étais restée sera encore plus facile.
J’aborde ce point dans l’article La méthode pour se forcer à se mettre au japonais.
Voilà, désolé pour cette réponse gigantesque mais qui, j’espère, te sera quand même utile.
Bonjour,
J’utilise beaucoup les flashcards avec une application, pour apprendre les kanji et le vocabulaire. C’est vrai que cela me prend beaucoup de temps.
Pour essayer de garder le rythme d’apprentissage, je me donne des objectifs pour certains aspects (ces temps-ci, c’est l’écriture des kanji du N3, à finir avant la fin mars, il m’en reste 42 à apprendre).
Certains pensent qu’il est une bonne idée d’au moins savoir reconnaître « rapidement » les 2136 jōyō kanji, pendant son apprentissage du japonais. Personnellement, je suis plutôt d’accord avec ça (même si j’en n’ai que 836 dans ma besace pour l’instant). Et toi, qu’en penses-tu ?
Je vais écouter ton conseil et me mettre plus régulièrement à lire et à regarder des films/séries bien sous-titrées (bien, parce que toutes ne sont pas du 1 pour 1 entre oral et sous-titre). Et je vais utiliser cette technique des 25mn !
J’ai les 5 tomes du « hyojun nippongo tokuhon », qui sont d’une excellente progressivité, tant en vocabulaire, kanji, grammaire, complexité. Le seul dommage est que le japonais utilisé est parfois un peu démodé (la seconde édition date de 1964, et il n’y en a pas eu d’autres).
Bonjour Yves et merci pour ton commentaire !
Connaître les 2136 kanji d’usage courant est une nécessité si on veut pouvoir accéder à du contenu japonais fait pour les Japonais.
C’est mon objectif et depuis le temps que j’étudie le japonais, j’aurais dû tous les connaître depuis longtemps.
Sauf que l’apprentissage un par un n’a pas fonctionné pour moi.
Ce qui a fonctionné, c’est 2 choses:
1 – Lire un petit peu tous les jours
2 – Faire du kanji profiling
En lisant tous les jours, je continue d’apprendre plein de choses mais surtout je vois des kanji en contexte et dans des mots qui contiennent généralement 2, voire 3 kanji.
Le fait que d’apprendre de nouvelles choses réduit aussi l’usure de la motivation est un aspect non négligeable.
En faisant du kanji profiling, on cesse de voir un kanji comme un bloc mystérieux dont le sens et la lecture seraient impénétrables.
Il y a beaucoup de choses intéressantes à savoir sur les kanji (et qui pourtant sont rarement dans les livres) et les connaître, même en partie, permet de rendre les kanji plus facilement mémorisables.
L’exposition journalière à la langue que je préconise, c’est pour activer le côté « acquisition naturelle du langage ».
Il faut que ça devienne notre cadre pour qu’on puisse corréler ce qu’on voit avec ce qu’on apprend.
Idéalement, il faut sélectionner un contenu adéquat (situation visuellement compréhensible, japonais moderne, sujet intéressant…) pour que l’expérience soit la plus agréable possible.
Je ne connais pas la série d’ouvrage dont tu parles mais pour avoir aussi de vieux livres, je comprends parfaitement ce que tu veux dire.
J’ai (entre autres) le livre « A japanese reader », qui prend le lecteur des hiragana dans les premiers textes et les amènent progressivement à des articles de journaux.
C’est un excellent livre mais il souffre du même problème que tu décris car il date de 1962. Une grande partie reste pertinente mais parfois, on tombe sur du japonais d’un autre âge…
Si seulement il avait été mis à jour, il aurait fait un ouvrage extraordinaire pour les personnes qui souhaitent vraiment arriver à lire du japonais.